Le 21 mai dernier plusieurs organisations de protection animale ou de promotion des droits des animaux ont été victimes d’opérations policières violentes en Autriche : perquisitions brutales dans les bureaux et domiciles privés, saisie des ordinateurs et autres matériels et documents, mise en garde à vue de 10 activistes, sans qu’aucun fait précis et avéré ne leur soit reproché. Sept des dix personnes arrêtées ont déclenché une grève de la faim pour protester contre la violation de leurs droits. L214 vous invite à réagir en écrivant aux autorités autrichiennes, en signant la pétition en ligne et en écrivant aux prisonniers.
Témoignages de quatre prisonniers
Message de Martin Balluch au mouvement international pour les droits des animaux
Ma vie a basculé le mercredi 21 mai. Nous avions préparé une nouvelle campagne portant sur une modification de la constitution en faveur des animaux, qui aurait été soumise au vote du Parlement début juillet. Cette campagne devait être lancée le lendemain même. Pour cette campagne, nous avions réussi à unir le mouvement tout entier en Autriche, à faire que tous tirent dans la même direction. Comme ceux d’entre vous qui me connaissent le savent, c’est là l’un de mes principaux objectifs : unifier le mouvement pour en redoubler la force.
Mais cette campagne ne devait pas voir le jour. Mercredi, au petit matin, la police a lancé la plus violente attaque jamais connue dans l’histoire autrichienne moderne contre un mouvement pour la justice sociale et contre des ONG. Des centaines de policiers armés et masqués ont défoncé les portes de 21 domiciles privés et de 6 bureaux appartenant à des ONG différentes, et celui d’un dépôt contenant du matériel utilisé dans des manifestations. 25 personnes ont été arrêtées et interrogées par la police. 10 personnes ont été placées en garde vue, dont moi-même.
Afin de « m’attraper », la police a fait irruption non seulement chez moi, mais aussi chez deux de mes frères ainsi que chez mon amie.
Des policiers cagoulés de noir se sont précipités à travers la porte brisée et ont couru arme au poing jusqu’à nos lits. Ils ont pointé leurs pistolets sur ma tête et m’ont jeté nu hors de mon lit. Mon frère a été plaqué contre un mur, un pistolet pointé sur le cou.
L’une des dix personnes que la police avait l’intention d’arrêter n’était pas chez elle. Alors, ils lui ont téléphoné et… devinez quoi ? Il s’est présenté en toute confiance au commissariat, ne redoutant pas le moindre ennui.
Aujourd’hui, 19 jours plus tard, il moisit encore dans une cellule, et il ne sait pas pourquoi. Notons qu’il s’agit du directeur de campagnes de l’association bien connue Four Paws, implantée dans 6 pays différents.
Après nous avoir arrêtés, la police a fouillé chacune de nos maisons, y compris les domiciles de ceux de mes frères qui ne sont pas impliqués dans le mouvement pour les animaux. La police a principalement saisi des ordinateurs, mais aussi des brochures, des livres, des vidéos et des téléphones portables.
On pourrait imaginer que cette opération policière à grande échelle est la réaction d’un État confronté à un haut niveau de criminalité lié à la question animale. Mais le fait est qu’au contraire l’activité de l’ALF en Autriche est beaucoup plus faible que dans les autres pays où le mouvement pour les droits des animaux est bien implanté.
On pourrait imaginer aussi que la police avait reçu des informations selon lesquelles de dangereuses attaques de l’ALF se préparaient, ou lui indiquant des caches de bombes incendiaires et de matériel terroriste. Rien n’est plus faux. Ils n’avaient reçu aucune information de la sorte, et ils n’ont même pas cherché ce genre de matériel. La seule chose qui les intéressait, c’était les ordinateurs, les livres et les vidéos, c’est-à-dire des objets qui disent quelque chose de la façon d’être des personnes arrêtées. Voilà de quoi il s’agit : de ce que des gens sont et font, pas de crimes spécifiques.
Si la police détenait de quelconques éléments à charge contre les personnes arrêtées concernant des crimes ou délits qu’elles auraient commis, ces éléments seraient maintenant dits et connus. Mais les ordres d’arrestation parlaient d’autre chose. Voici le motif de notre arrestation à tous : « constituer une vaste organisation criminelle dotée d’une structure hiérarchique à la façon d’une entreprise. » Et les crimes que cette organisation est supposée avoir commis sous le nom d’ALF se sont rien de moins que la TOTALITÉ des délits liés à la cause animale qui se sont produits en Autriche ! On dirait une blague. Ce n’en est pas une. Tous les délits liés à la cause animale : chaque serrure engluée, chaque pneu crevé, chaque fenêtre fracturée… mais aussi – croyez-le ou non – chaque altercation, chaque manifestation, chaque enquête menée incognito sans aucun caractère délictueux, et cela concernant tous les domaines possibles : la fourrure, la vivisection, l’élevage industriel, le cirque… Notre organisation criminelle est supposée avoir accompli tout cela.
On pourrait imaginer que, vous soupçonnant de tant de crimes odieux, la police et le ministère public viendront vous interroger après votre arrestation. Erreur là encore ! Depuis que j’ai été placé en détention préventive, personne ne m’a posé la moindre question sur cette affaire. Mon avocat a demandé à la police de voir les éléments à charge et c’est ainsi que nous avons vu quelques 2500 pages. On trouve notamment dans ces pages des expertises médico-légale de quelques-uns des délits liés à la cause animale commis ces deux dernières années, y compris la recherche de traces d’ADN sur un verrou placé sur une porte. Et aucune preuve contre aucune des 10 personnes arrêtées. La police a aussi mis nos téléphones sur écoute, nous a mis sous surveillance, a placé des caméras pointant sur nos portes, a introduit des taupes dans nos groupes et a lu nos courriels. Tout cela deux ans durant ! Et ils n’ont rien trouvé. Alors ils ont lancé la grosse opération policière, cherchant désespérément à découvrir quelque chose à nous reprocher, n’importe quoi, fût-ce des indices de fraude fiscale.
Voici comment sont justifiés mon arrestation et mon placement en détention préventive. Il existe une délinquance associée à la cause animale, même si elle est relativement faible. Il doit donc y avoir une grosse organisation dotée d’une structure hiérarchique, conduite à la manière d’une entreprise, qui est responsable de cette activité. Puisque je milite depuis des années pour les animaux, puisque je suis influent, et puisque j’ai des contacts internationaux, je dois être le chef de cette organisation. Point final. Voilà les preuves à charge. Vous arrivez à y croire ? Moi non, mais d’après tout ce que je vois, cela semble être la réalité.
Mais comment est-il possible que je me retrouve en détention préventive au nom d’un motif de « suspicion » aussi absurde ? Bonne question. Deux semaines durant, on ne m’a communiqué aucune information sur la raison de mon arrestation. Puis, j’ai pu avoir accès au « dossier » et je suis passé devant un juge le vendredi 6 juin. Le procureur a donné lecture de la liste entière des crimes et délits liés à la cause animale des 11 dernières années, ainsi que d’actions sans caractère délictueux. Ce fut passablement long. Ensuite, il a déclaré que j’étais soupçonné d’être à la tête d’une organisation criminelle responsable de la totalité de ces faits. Mon avocat a dit qu’il n’y avait aucune preuve. Ensuite, j’ai voulu faire une déclaration, mais la juge ne m’y a pas autorisé. Elle m’a simplement tendu un verdict tout préparé, qui stipulait que je devais rester en détention provisoire quatre semaines de plus, et qu’ensuite elle examinerait mon cas à nouveau. Elle a procédé de la même façon avec chacune des 10 personnes arrêtées, y compris le directeur de campagnes de Four Paws International.
Qu’y a-t-il donc derrière tout cela ? Je pense qu’il s’agit de l’attaque la plus grave contre le mouvement pour les droits des animaux qui se soit jamais produite dans le monde depuis que ce mouvement existe. Il y a 11 ans, nous nous sommes lancés dans une nouvelle forme de militance en Autriche. Nous avons utilisé la tactique classique des campagnes sur le terrain, le contact avec les media, et des actions de désobéissance civile, afin d’obtenir des réformes législatives. Et nous avons connu beaucoup de succès. D’abord, nous avons fait interdire l’élevage d’animaux à fourrure, puis les animaux sauvages dans les cirques, puis les cages en batterie et l’expérimentation sur les singes et, dernièrement, l’élevage de lapins en cage. Ces succès ont beaucoup inquiété des groupes puissants dans la société. Une fois obtenue l’interdiction de l’élevage des poules en batterie en 2004, nous avons commencé à ressentir une répression policière croissante. La section anti-terroriste de la police a commencé à nous surveiller et à nous diffamer en diffusant des communiqués disant que nous étions soupçonnés d’activités criminelles. Puis, le ministre de l’intérieur nous a publiquement qualifié de groupe violent. Nous avons tenté de porter plainte contre lui pour cela, mais la plainte n’était pas recevable en raison de l’immunité dont il bénéficiait en tant que ministre. Lorsqu’il a été questionné au Parlement à ce sujet, il a cependant admis que son accusation s’était fondée sur des hypothèses erronées. Nous l’avons traité publiquement de menteur. Il est significatif qu’il n’ait pas réagi.
Enfin… nous avons cru qu’il ne réagissait pas. A peu près à la même époque, un groupe spécial de police fut constitué et il démarra une opération de surveillance à grande échelle, visant à la fois des ONG et des individus du mouvement pour les droits des animaux. Vous connaissez déjà la suite.
Comme après des années de surveillance intensive, la police n’avait toujours pas découvert d’éléments à charge, ils durent se contenter de nous déclarer suspects d’avoir commis un délit pour lequel il n’est pas nécessaire d’apporter de preuve. Selon la loi, il est illégal de former une grande organisation (c’est-à-dire une organisation de plus de 10 personnes), possédant une structure hiérarchique et conduite à la façon d’une entreprise, dont le but est d’influer sur la vie politique ou économique, et qui à cette fin commet aussi des crimes et délits, au moins occasionnellement. Puisque nous menons des campagnes pour influer sur la vie politique et économique, et puisqu’il existe une forme de délinquance – peu développée, concernant des délits mineurs – liée à la cause animale, et même si nous n’y sommes mêlés en rien, cela a suffit au Procureur général pour utiliser cette loi, pour la première fois dans l’histoire, à l’encontre d’une ONG. Et n’oubliez pas, parmi les « crimes » recensés par l’accusation figurent des distributions de tracts, des blocus, et des enquêtes menées incognito dans des élevages intensifs. C’est une évolution très inquiétante. La police est en train d’utiliser la loi anti-terroriste contre des campagnes non délictueuses relevant de l’exercice légitime des droits politiques. Amnesty International a exprimé son inquiétude. Un député du parti des Verts m’a rendu visite en prison et les Verts ont exprimé leur désapprobation et questionné le ministre de l’intérieur au Parlement. Mais il s’est refusé à tout commentaire. Au lieu de quoi, le Procureur général à diffusé un communiqué de presse diffamatoire disant que nous étions suspectés d’être les auteurs d’incendies et « d’attaques au gaz ».
Il s’agit d’une opération politique : une attaque de grande envergure contre des campagnes visant à réformer les lois qui se sont avérées efficaces. Je vous en prie, faites entendre vos protestations contre les criminels qui sont les instigateurs de cette attaque, et qui sont probablement haut placés dans le gouvernement.
Je soutiendrai ce mouvement de protestation autant que je le pourrai. Dès mon arrestation, j’ai entamé une grève de la faim. Mis à part une collation avant mon passage devant la juge, je n’ai rien mangé depuis. J’ai passé la dernière semaine à la prison de l’hôpital. J’ai des troubles de la vision et me suis déjà évanoui une fois. Ils ont dit qu’ils commenceraient bientôt à m’alimenter de force.
J’ai besoin de votre aide. Je compte sur vous. Merci de tout le soutien que vous nous avez déjà apporté. Je vous en prie, croyez-moi quand je vous dis qu’il n’y a vraiment aucune preuve de quelque activité criminelle que ce soit me concernant. Il n’y en pas maintenant, et il n’y en aura jamais.
Martin Balluch
Association autrichienne contre les fabriques d’animaux
Depuis l’hôpital de la prison de Vienne
9 juin 2008

Lettre de Felix
Chers amis, soutiens et personnes intéressées,
Je n’arrive toujours pas comprendre ce qui m’est arrivé. C’est comme un mauvais film. Aujourd’hui, je suis en prison depuis trois semaines et un jour, et je n’ai toujours pas eu entièrement accès au dossier d’accusation. Ce dont je suis accusé est toujours opaque !
Mais une chose est sûre, je continuerai à militer pour les droits des animaux et le véganisme, et je ne laisserai pas l’État m’intimider pour que j’arrête !
L’ampleur de la solidarité est incroyable. Je suis ému presque jusqu’aux larmes quand je vois le nombre de personnes qui prennent position pour les droits des animaux et contre cette brutalité policière arbitraire.
Il semble qu’il y ait de plus en plus de gens qui soient prêts à se battre de façon désintéressée pour un monde meilleur.
Amicalement, Felix
Lettre d’Elmar
Cher lecteur,
Je fais partie des dix militants pour les Droits des animaux qui ont été arrêtés de manière totalement imprévisible il y a environ trois semaines, suite à 23 opérations policières en Autriche.
Le mercredi 21 mai, peu après 6 heures du matin, plusieurs policiers masqués de la WEGA ont détruit ma porte d’entrée et m’ont réveillé en hurlant. Ils avaient des armes pointées sur moi.
Immédiatement, ils ont pris mon téléphone portable et au moins 20 policiers en civil ont commencé à fouiller et à mettre sens dessus dessous mon appartement, la cave et ma voiture.
J’étais en état de choc complet. Je ne savais pas que j’avais le droit de demander à ce qu’une personne de confiance puisse être présente pendant la fouille, et le résultat a été qu’il m’a été impossible de vérifier que les biens saisis provenaient réellement de mon domicile.
À ce moment-là, je me disais que tout cela devait être une erreur et je pensais pouvoir me rendre à mon travail quelques heures plus tard, comme d’habitude.
Lorsqu’un fonctionnaire m’a suggéré d’emporter un livre pour lire, j’ai été troublé. J’ai pris le premier que j’ai pu attraper sur une étagère. Ce livre allait devenir très important pendant les trois semaines à venir : Le procès de Kafka.
Ce n’est qu’après plusieurs heures et plusieurs interrogatoires, officiels ou non, au poste de police que j’ai vraiment pu lire mon mandat d’arrêt et de perquisition.
Dans le mandat, j’ai trouvé des références très générales à des douzaines de délits ayant eu lieu depuis 1997, commis par des personnes non nommées - « personnes émanant du milieu militant pour les Droits des animaux ». L’un d’entre eux était censé être une attaque à la bombe puante contre des magasins de fourrure.
Apparemment, ces délinquants anonymes ont revendiqué la responsabilité de ces actes sous le nom de l’A.L.F. (Front de Libération Animale). Résultat, les crimes ont été attribués à une « organisation criminelle ».
« Par conséquent » - comme il est trompeusement écrit à la fin du mandat d’arrêt -, il y a suspicion contre « l’organisation criminelle ». Sans aucune indication tangible et sans aucune preuve, voici comment on se retrouve très vite emprisonné dans ce pays.
Théoriquement, au moment de l’arrestation, l’avocat de la défense devrait avoir « un accès complet et exhaustif » aux dossiers. Ceux d’entre nous qui ont eu de la « chance » ont eu accès à 25 % des dossiers après deux jours, les autres ont dû attendre bien plus longtemps.
Dans ces 1 000 pages, mon nom n’apparaît qu’une fois : totalement hors contexte, comme un nom à rechercher dans l’un des PC saisis.
Après trois jours passés en cellule, j’ai été placé en détention préventive. Il y aurait risque de complicité, mais je ne sais pas de quoi je pourrais être « complice ». Il me semble qu’il s’agit de codage de données.
Par désespoir et pour protester contre les mesures prises, qui me semblent totalement injustifiées, j’ai entamé une grève de la faim le lendemain. La Convention internationale des droits humains stipule que : « Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle. »
Huit jours après mon arrestation, j’ai reçu une autre petite partie de mon dossier. Sur trois appels téléphoniques, qui ont été enregistrés, où je philosophe d’une façon générale sur le codage de données, le procureur général et le juge arrivent à la conclusion que je suis un « expert en traitement de données » pour cette « organisation criminelle ». Exactement comme « M. K. » dans « Le Procès ». Je ne sais toujours pas quel délit je suis supposé avoir commis !
Mes faibles espoirs que la vérité soit rétablie et que la justice soit respectée sont finalement en train d’être détruits après 17 jours d’emprisonnement en isolement et 12 jours de grève de la faim.
Le 6 juin, lors de l’audition de détention préventive, les arguments et les faits n’étaient plus pertinents. Bien que nos objections soient sensées (emploi abusif du §278a, manque total de preuves et de soupçon de délit), non seulement le tribunal n’a pas été impressionné, mais il n’a fait absolument aucun commentaire. Les juges – théoriquement – indépendants ont signé un document apparemment préparé et imprimé d’avance pour une prolongation de la détention préventive.
Ma confiance dans l’État constitutionnel a définitivement disparu. Mon emploi probablement aussi.
D’un point de vue affectif, mais aussi officiel, une grève de la faim semble plus justifiée que jamais.
Tous les 10, nous avons peur que l’Autriche n’ait rien appris de l’« Opération Spring » : un film autrichien concernant des enquêtes de police et des poursuites contre des Africains soupçonnés d’appartenir à un réseau de trafic de drogue nigérian. Le film pose la question de savoir si les accusés ont jamais eu la chance d’avoir un jugement équitable.
http://www.operation-spring.com/spring/sites/frs_e.htm
Amicalement, DI Elmar Völkl
Lettre de Chris
Salut
Je suis en prison maintenant depuis quatre semaines – sans aucune raison ! La première semaine, j’ai été détenu à Innsbruck, après que la police ait fouillé pendant quatre heures toute notre maison, dans laquelle vivent ma femme et nos trois enfants. Pendant la fouille de la maison, j’ai dû rester assis menotté dans la cuisine.
Le jeudi 29 mai 2008, j’ai été transféré à la prison de Wr. Neustadt. Wr. Neustadt semble être plutôt plus « confortable » - si un prisonnier peut employer ce mot – comparé à Innsbruck.
La nourriture végane à Wr. Neustadt est bien meilleure qu’à Innsbruck. Pendant toute la semaine passée à Innsbruck, j’ai seulement eu du pain complet, une ou deux fois du riz complet et de la salade dont j’ai dû rincer l’assaisonnement parce que personne n’a pu m’en donner les ingrédients. Lorsque j’ai demandé de la nourriture végane, le fonctionnaire et le médecin m’ont dit : « Ici, c’est une prison, par un centre de remise en forme ! ». Ici, à Wr. Neustadt, ils cuisinent aussi pour les végans. Par exemple, aujourd’hui, nous avons eu du tofu pour la première fois.
Chaque jour en prison est pratiquement identique aux autres. À six heures du matin, les néons s’allument dans les cellules. Nous devons faire nos lits avant sept heures, et pendant la journée nous sommes seulement autorisés à nous allonger sur les lits complètement vêtus et non recouverts d’une couverture. À sept heures, c’est le petit déjeuner. Les végans reçoivent des bananes, du pain complet, de la margarine et de la confiture.
Vers huit heures, les premiers prisonniers sont autorisés à sortir dans la cour – une heure par jour, et c’est la seule heure passée à l’extérieur. À la prison d’Innsbruck, la cour était uniquement recouverte de bitume et on ne pouvait voir que des clôtures et des murs, mais ici, à Wr. Neustadt, il y a de l’herbe et même un arbre, un sorbier.
Les lundis et les jeudis, nous sortons dehors un peu plus tard, parce que ces jours-là nous pouvons nous doucher par groupes de quatre à huit détenus. Lorsque nous sommes dehors, un fonctionnaire et trois ou quatre caméras nous observent. La plupart des prisonniers marche très lentement, ou simplement s’assoit et fume. Je marche très vite, parce que j’ai l’habitude de faire de l’exercice. Je dépasse souvent les autres prisonniers d’environ trente tours. J’essaie d’apprécier et d’utiliser la seule heure à l’extérieur aussi bien que possible.
C’est le seul moment que je passe avec d’autres prisonniers, à part la personne avec laquelle je partage ma cellule. Les autres prisonniers sont là, par exemple, pour vol ou attaque à main armée. Beaucoup d’entre eux devront rester en prison longtemps. Ceci rend encore plus grotesque le fait d’être ici parce que je suis accusé d’appartenir à une « organisation criminelle ».
Il semble que je sois le seul non fumeur de la prison. Depuis mon arrestation le mercredi 21 mai, j’ai partagé ma cellule avec cinq personnes différentes, trois à Innsbruck et deux à Wr. Neustadt. Quatre sur les cinq présentaient des symptômes de manque de drogue, tous étaient des fumeurs invétérés.
Les personnes qui ont des symptômes de manque sont vraiment épuisantes. Le prisonnier avec lequel je partage ma cellule actuellement a, par exemple, dans la nuit de dimanche à lundi, vomi toutes les 15 minutes dans un seau, sur le lit superposé du haut, pendant que j’étais allongé dans le lit du dessous. Bien que je ne comprenne pas les gens qui prennent des drogues et que je sois totalement contre, je me sens navré pour ces gens.
Vers onze heures et demie, on nous donne le déjeuner. Vers cinq heures du soir, c’est le dîner. Le matin, j’écris, je lis ou je dessine principalement. Après le déjeuner, je regarde souvent la TV. À deux heures et demie de l’après-midi, je regarde toujours Bob l’éponge à la TV.
Il y a quelques jours, j’ai reçu un carnet de dessin et des aquarelles. Je suis en train de faire mon autoportrait et un portrait de mon codétenu, parce qu’il me l’a demandé. J’ai aussi commencé à dessiner les portraits de mes trois enfants à partir de leurs photos, que j’ai avec moi.
Depuis que j’ai été arrêté, j’ai écrit presque une centaine de pages, un peu comme un journal et des réflexions à propos de mon arrestation. J’ai aussi répondu à toutes les lettres de ma famille et de mes amis. Je reçois beaucoup de courrier, cette semaine j’ai déjà reçu dix cartes postales et quatre ou cinq lettres – j’aime recevoir du courrier, particulièrement de ma femme et de mes enfants.
Le pire, ici en prison, est d’être séparé de ma femme adorée et de mes enfants chéris. Je ne peux décrire à quel point ils me manquent. Mon fils aîné, Samuel, a dix ans. Il a été tellement choqué par mon arrestation qu’à sa première visite il n’a pas pu s’arrêter de pleurer. Noah a cinq ans. Je ne peux pas oublier les signes d’au revoir qu’il me faisait lorsque j’ai été arrêté. Ma fille Talia, deux ans, est la plus jeune. Je suis très inquiet pour ma relation avec elle. Notre relation pourrait être sérieusement détériorée suite à cette séparation. Je dois me forcer à arrêter de penser à tout cela, sinon je sens que je deviens fou d’inquiétude. Karin, Talia, Noah et Samuel, vous ne pouvez pas imaginer à quel point vous me manquez. À part la souffrance de ne pas pouvoir être avec ma femme et mes enfants, je m’inquiète pour notre avenir suite à cette arrestation, et particulièrement pour notre situation financière.
Bien que je travaille la plupart du temps à mes activités artistiques – que vous pouvez voir sur www.radikalkunst.net – je travaille aussi depuis dix ans comme restaurateur pour un archéologue. Je m’occupe du nettoyage, de la préservation et de la restauration de découvertes archéologiques – principalement du Moyen-âge. J’espère vraiment que je pourrais continuer mon travail après ma libération – qui devrait d’ailleurs avoir lieu maintenant, puisque je suis innocent.
Je peux continuer à créer aussi ici en prison, même si je n’ai pas le matériel ni les outils, je peux dessiner et concevoir – et je peux écrire. Ma cellule fait environ 2,5 x 6 mètres. Dedans, il y a un lit superposé, deux placards, une étagère, une table, deux chaises, un lavabo et des wc à part. Il y a aussi une fenêtre avec des barreaux. Dans la cellule, nous avons aussi la télévision et une radio, ce que je n’avais pas à Innsbruck où je suis resté une semaine entière.
À Wr. Neustadt, je suis dans la cellule 9 et mon numéro de prisonnier est 91001.
Lorsque je vois les émissions pour enfants que je regarde à la maison avec les miens, je ne peux m’empêcher de pleurer. Même des images de familles heureuses ou d’enfants, ou les mots « famille », « enfants » ou « maison » suffisent à me frustrer et à me faire pleurer. Je pense que le temps passé en prison serait plus facile si je n’avais pas une famille dont je suis séparé. D’un autre côté, ma famille est une des raisons pour lesquelles cet emprisonnement sans aucune accusation doit cesser rapidement.
Même si je suis désespéré parce que je suis séparé de Karin, Talia, Noah et Samuel, et même si j’ai peur pour notre situation économique, je suis sûr que je sortirai de prison vivant.
Pas comme les millions d’animaux qui, chaque année, meurent après leur emprisonnement. Est-ce que faire quelque chose d’artistique et d’actif contre cette injustice est un délit ?
Depuis la prison, salutations pour Karin, Talia, Noah et Samuel, je vous aime !
Chris
Quelques idées d’action en soutien aux prisonniers incarcérés
A ce jour, il n’y a pas d’espoir de libération prochaine. Il est important de continuer à soutenir les militants incarcérés, d’informer la population qui n’est quasiment pas au courant car les médias font la sourde oreille, de protester auprès des autorités (ambassades, etc.).
Voici quelques idées :
- Organiser une table d'information : deux tracts http://clam34.org/comite-Mtp-soutien-militants-autrichiens/docstand/tract.pdf et http://clam34.org/comite-Mtp-soutien-militants-autrichiens/docstand/tract1.pdf, une pétition papier : http://clam34.org/comite-Mtp-soutien-militants-autrichiens/docstand/petition.pdf .
- Faire un affichage sur les murs autorisés, librairies, facs, à votre travail, tables de presse, etc. 2 affiches : http://clam34.org/comite-Mtp-soutien-militants-autrichiens/docstand/affiche.pdf et http://animauzine.net/Afifche-demandant-la-liberation.html
- Signer les pétitions en ligne : http://www.gopetition.com/petitions/freedom-for-the-austrian-animal-rights-advocates.html et http://www.evana.org/index.php?id=34373&lang=fr
- Ecrire des courriers de soutien aux prisonniers : http://www.l214.com/repression-autriche-contre-protection-animale
- Ecrire des courriers de protestation (en français) auprès de l'ambassade et des consulats d'Autriche en France : http://droitsdesanimaux.net/actu/repression_contre_mouvement_animaliste_autriche.html
- Faire un don aux prisonniers : http://www.pro-tier.at/soli-spenden.html
Plus d'information :
http://clam34.org/comite-Mtp-soutien-militants-autrichiens/
http://www.l214.com/repression-autriche-contre-protection-animale
http://www.austriasolidarity.com/news.php?lng=fr
http://droitsdesanimaux.net/actu/repression_contre_mouvement_animaliste_autriche.html
http://www.evana.org/
http://www.lesfurieusescarottes.com/spip/spip.php?article141